Les e-mails en entreprise: les origines du Mal

Comme une vieille romance lycéenne devenue toxique, cela fait des années qu’on le côtoie, intimement même. On ne l’aime plus vraiment, parfois il nous pourrit la vie, mais on a peur de s’en séparer de peur de ne pas trouver mieux. Les e-mails en entreprise en quelques chiffres voila ce que ça donne: 

    • Les cadres européens passent en moyenne 5h par jour à le consulter*
    • Il faut 64 secondes en moyenne pour se re-concentrer après l’avoir reçu**
    • Les cadres français en reçoivent en moyenne 88 par jour***
    • Il génère en moyenne 275 grammes de CO2, et une entreprise de 100 personnes génère en moyenne chaque année 13,6 tonnes de CO2, soit 14 allers-retours Paris-New York****

 Pourquoi “Ils sont partout” ?

Après les tamtams, les signaux de fumées, le télégraphe, la Poste, le téléphone et le fax, l’e-mail en entreprise est une réelle rupture en ce sens qu’il révolutionne les communications à plusieurs égards:

1) Il est asynchrone

Avant de déverser leur haine sur l’e-mail, nos “ancêtres” pestaient probablement contre les appels téléphoniques, et les gens qui débarquent à l’improviste dans les bureaux.
L’e-mail, de par son caractère asynchrone, évite ces comportements intrusifs et me permet d’envoyer de l’information quand je le décide et permet (en principe) à mon interlocuteur de mon répondre quand lui le décide.

2) Il fluidifie les communications

L’envoie facile et instantané que constitue l’e-mail permet de faire circuler les informations beaucoup plus rapidement en plus grande quantité et vers beaucoup plus de personnes. Quand une lettre pouvait mettre plusieurs jours à arriver, un e-mail peut être reçu en une seconde par un grand nombre de personnes, instantanément. Et fluidifier la circulation d’information, en principe, c’est cool.

3) Il stocke le savoir et laisse une trace

Difficile de refaire l’historique des décisions prises sur un projet lorsque la majorité des échanges s’est faite par oral. Difficile également de stocker une grande quantité d’informations sur un sujet donné en plusieurs endroits à travers des lettres ou des fax. Grâce au fil d’e-mails j’accède facilement à tous l’historique des conversations et des documents échangés sur un sujet donné, et peux difficilement les perdre.
En 1971, Ray Tomlinson crée cette innovation de rupture via un protocole de réception de message nommé ARPAnet. Un protocole de communication entre ordinateurs qui deviendra même précurseur d’internet tel qu’on le connaît aujourd’hui.Sauf que tout cela est bien beau quand le volume d’information envoyé est tout petit tout mignon. Sauf que rien qu’entre 2010 et aujourd’hui le volume d’information créé sur internet a été multiplié par 40 et ne cesse d’augmenter.

Le jeu des 6 familles

L’augmentation du volume mais aussi des types de données a également engendré l’augmentation des cas d’usage de l’e-mail. On peut, de manière totalement arbitraire, les répartir les e-mails reçus en entreprise en 6 cas d’usage. Et, spoiler alert, c’est rarement le meilleur moyen de communication :Le partage d’info d’ordre général est unidirectionnel, souvent descendant, ne nécessite pas d’action particulière et s’adresse à un grand nombre de personnes. Il se caractérise souvent par un envoi à une liste de distribution et à des destinataires peu concernés par le contenu du message
Il suffit d’un “répondre à tous” à un mail de ce type pour créer un tourbillon de “répondre à tous” demandant de ne pas “répondre à tous”. Des réponses désordonnées de plusieurs personnes peuvent également rendre la communication difficile.
-> Inutile, canal inadapté

1) Le “Pour votre information

J’ai lu quelque part que l’email fêtait ses 50 ans cette année. L’occasion peut-être de comprendre pourquoi on le déteste autant mais on continue encore à l’utiliser pour tout et n’importe quoi. Sommes-nous un peu masochistes, ou l’email est-il finalement le moyen de communication le plus efficace en entreprise?

2) Le “Merci de…

La prescription est un ordre direct, il sollicite une action et a généralement un fort engagement. Il limite la collaboration de par son caractère unidirectionnel mais engendre souvent des réponses. L’engagement, la priorité et la charge mentale associée y sont généralement élevé.
->Utile, canal inadapté

3) Le “Rapport_2022_Final_v2_modif_vraiment_final_a-jour

L’e-mail de collaboration est courant. On s’en sert pour produire un travail commun. On y attache des documents en cours d’élaboration auxquels les destinataires contribuent. On crée des versions de document dans le tempsIl nécessite cependant un gros travail de consolidation et de suivi car la confusion générée par plusieurs versions d’un même document peut-être importante.
-> Utile, canal inadapté

4) Le “en bleu mes disponibilités

L’email de coordination sert à planifier des activités communes (souvent des réunions quand même…). Généralement un grand nombre de ces emails sont nécessaires pour trouver un créneau commun par exemple. La complexité augmente avec le nombre de destinataires.
-> Utile, canal inadapté

5) Le “On va manger ? “

L’email similaire à un message instantané. Il ne concerne souvent qu’un seul collaborateur et exige une réponse rapide
-> Inutile, canal inadapté

6) Le “je vous confirme par la présente

L’email officiel sert à arrêter des décisions. Il a une portée juridique et s’adresse plus souvent à des personnes externes. On s’en sert pour se couvrir en cas de futur litige ou pour garder une trace des décisions officielles
-> Utile, canal adapté 

canaux de communication des e-mails en entreprise
Un grand nombre d'e-mails reçu en entreprise n'apporte pas de valeur ou ne constitue pas un bon canal de communication
A l’heure de l’infobésité, la majorité de l’information que nous échangeons en entreprise à travers les e-mails n’est, soit pas utile (50% des e-mails en moyenne!) et constitue une perte de temps, soit est transmise via un canal qui complexifie sa gestion.

On comprends un peu mieux cette frustration que l’on peut ressentir face à cette romance adolescente. Et cette mauvaise utilisation, n’est pas anecdotique, mais a un réel impact sur les collaborateur (on verre cela dans le prochain article!) 

Le type et le volume d’informations ayant drastiquement évolué depuis 50 ans, il est temps d’adapter nos mode des communication et de collaboration. 

Sources

Adobe Consumer Email Survey Report 2017
** Loughborough University – 2002
*** Statistics Report, 2015-2019, Radicati Group
**** Ademe – la face cachée du numérique – 2019

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